Maître de conférences en psychologie à l’université de Lorraine, Evelyne Josse est égalementhypnothérapeute et cofondatrice de L’Ecole belge d’hypnose et de thérapies brèves, où elle enseigne. Spécialiste de l’hypnose et deuil, elle dispense des formations à Paris, Toulouse et Marseille, avec Olivier Perrot pour l’Association Française de Nouvelle Hypnose. Après nous avoir éclairé sur la gestion des traumatismes par hypnose, Evelyne Josse nous parle des séances et des formations en hypnose et deuil.
Quelles sont les différentes étapes/phases du deuil ?
Evelyne Josse : En effet, le processus de deuil se déroule par étapes. Cependant, le deuil n’est pas un processus linéaire. De nombreux endeuillés ne traversent pas les étapes que je vais vous décrire et encore moins dans l’ordre cité. De plus, il est fréquent qu’ils passent d’une étape à l’autre et qu’ils reviennent en arrière, et ceci à plusieurs reprises. On peut comparer le deuil à la marée montante : la progression peut être lente ou rapide et elle est faite d’avancées et de reculs successifs. Par ailleurs, le temps nécessaire pour franchir chacune de ces phases varie considérablement d’une personne à l’autre. Comme l’empreinte digitale, le travail de deuil comporte des caractéristiques universelles mais est il est unique à chacun.
La première phase, celle de l’impact, débute à l’annonce du décès. Elle dure habituellement de quelques heures à quelques jours. Lorsque le décès est inattendu, son annonce crée un choc. Ce choc est généralement important quand la mort est violente comme c’est le cas quand elle intervient suite à un suicide ou à un attentat. C’est le cas également lorsque la mort est prématurée, par exemple dans le cas du décès d’un enfant ou d’un jeune.
Dans cette première étape, certains s’effondrent en pleurs alors que d’autres surprennent par leur calme. Ils sont comme anesthésiés émotionnellement. Il est fréquent que les endeuillés alternent des états d’abattement avec des moments d’agitation anxieuse et d’activité frénétique.
Après le choc vient la phase de recherche ou de fuite qui dure habituellement de quelques semaines à quelques mois. Peu à peu, les endeuillés commencent à mesurer le vide laissé par la disparition de l’être aimé. Son décès devient tangible, il cesse d’être une réalité abstraite. Durant cette période, les pensées de l’endeuillé sont dirigées vers le défunt. Il se remémore les moments partagés en sa compagnie, il repense à sa voix, à son odeur, à ses attitudes, à ses mimiques ; il se surprend à attendre un coup de téléphone de sa part ; il croit reconnaître sa silhouette dans la rue, etc. A l’opposé de cette recherche, certaines personnes s’étourdissent dans une activité frénétique pour ne pas penser ni éprouver le vide laissé par la perte. Dans le cas du décès d’un enfant, il existe un risque de « momification » : les parents conservent les effets personnels de leur enfant et maintiennent sa chambre intacte comme s’il allait revenir.
A la phase de recherche et de fuite succède la phase d’état ou de déstructuration dont l’intensité varie considérablement d’une personne à l’autre. Cette période s’étend habituellement sur quelques mois et peut se prolonger plusieurs années sans pour autant signaler un deuil compliqué ou pathologique. Cette phase, émergeant à distance du décès, habituellement plusieurs mois après, peut surprendre. Alors que l’endeuillé s’attendait à aller mieux, c’est l’inverse qui se produit. Cette phase se caractérise par un vécu dépressif associant troubles du sommeil et de l’appétit, perte de l’aptitude au plaisir, fatigue, etc. Elle est également marquée par un repli sur soi ainsi que par un désintérêt pour les autres et pour les activités habituelles.
Vient ensuite le rétablissement. Il s’établit souvent graduellement sans que l’endeuillé en prenne immédiatement conscience. Peu à peu, il retrouve sa vitalité, il revient à ses centres d’intérêt habituels et retrouve l’aptitude au plaisir.
On considère qu’un deuil est achevé lorsque l’endeuillé ne souffre plus de souvenirs douloureux du défunt, qu’il a retrouvé l’aptitude et l’énergie nécessaire pour mener à bien les tâches de la vie quotidienne, qu’il a recouvré ses dispositions à fonctionner dans le présent avec plaisir ainsi que sa capacité à anticiper positivement le futur.
Les différentes réactions que je viens de décrire sont à considérer comme normales. Elles ne deviennent problématiques que lorsque la personne reste bloquée à l’une des étapes ou lorsqu’elle développe un trouble mental avéré.
Y’a-t-il différents types de deuil ? Si oui, lesquels ?
Evelyne Josse : Oui. Ce que je viens de décrire, ce sont les phases d’un deuil normal. C’est le deuil vécu par une personne qui ne manifeste pas de troubles particuliers et qui se produit lorsque les circonstances de la mort sont habituelles. C’est le plus fréquent. En raison de la fragilité de l’endeuillé, par exemple, lorsque l’endeuillé est un enfant ou un adolescent, une personne âgée, déprimée ou anxieuse, l’évolution normale du deuil peut être entravée. C’est le cas également lorsque les circonstances du deuil sont inhabituelles, je pense, par exemple, au décès d’un enfant, ou lorsque les circonstances sont tragiques, par exemple les suicides, les accidents, les actes terroristes, etc.
En fonction des difficultés et des troubles présentés par l’endeuillé, on parlera de deuil compliqué ou de deuil pathologique. Le deuil compliqué présente un déroulement inhabituel sans toutefois que l’endeuillé présente un trouble mental. Il faut reconnaître qu’il n’est pas très facile d’établir une limite nette entre un deuil normal et un deuil compliqué parce que l’évolution d’un deuil normal présente de grandes variations selon les personnes. Le deuil pathologique entraîne quant à lui des troubles mentaux comme, par exemple, des dépressions graves ou des délires. Les personnes déjà fragiles avant le décès sont les plus susceptibles de réagir de façon excessive ou inadaptée.
Peut-on rester bloqué à une étape du deuil ? si oui, comment faire alors ?
Evelyne Josse : Oui, il existe plusieurs types de blocage. Dans le premier cas, celui du deuil différé, l’endeuillé refuse de croire au décès et agit comme si rien ne s’était produit dans sa vie. Dans le second cas, celui du deuil inhibé, l’endeuillé ne semble éprouver aucune émotion et continue à vivre comme à son habitude. Contrairement à ce qui se passe dans le deuil différé, l’endeuillé ne nie pas la réalité du décès mais se prémunit de la douleur et du chagrin. Dans troisième cas, celui du deuil chronique, le deuil se prolonge indéfiniment. C’est de loin la complication la plus fréquente.
Comment faire, me demandez-vous ? Je pense que lorsqu’une personne reste bloquée dans son processus de deuil, le mieux est de consulter un thérapeute.
Comment l’hypnose peut elle être aidante dans le processus de deuil ?
Evelyne Josse : Avant de parler d’hypnose, je voudrais dire que d’après les études, la perception d’un soutien de qualité constitue l’aide la plus précieuse pour les personnes en deuil. La famille et les amis intimes comptent généralement beaucoup. Toutefois, ils peuvent être absents, défaillants ou pris par leur propre souffrance lorsqu’ils sont eux aussi concernés par le décès. Le thérapeute devient alors une figure essentielle du réseau de soutien.
En ce qui concerne l’hypnose, on utilise des histoires thérapeutiques, des tâches thérapeutiques, des techniques d’ancrage et d’autres techniques encore ainsi que la communication induite avec les défunts.
Certaines personnes souhaitent entrer en contact avec leur défunt : est-ce aidant ou limitant dans le processus de deuil ?
Evelyne Josse : Avant de parler de la communication induite avec les défunts, je voudrais dire un petit mot sur l’impression qu’éprouvent de nombreux endeuillés d’avoir un contact spontané avec leur défunt. C’est une expérience commune. Ce phénomène est universel, indépendant de la culture, de la religion, du sexe, de l’âge ou de l’éducation. Selon les études, entre 25 et 42% des Américains pensent avoir été contactés par un proche décédé. Ce pourcentage atteint entre 50 et 67% pour les personnes veuves et grimpe à 75% pour les parents d’enfants décédés. Le contact peut survenir à tout moment, avant, pendant, juste après ou longtemps après le décès, tant lorsque l’endeuillé traverse une phase difficile que lorsqu’il va bien. Les endeuillés, totalement critiques quant à la réalité de la perception expérimentée, savent que ce type de témoignage soulève souvent l’incrédulité dans notre société rationnelle, scientifique et matérialiste. Ils ne s’en ouvrent donc pas à n’importe qui. La foultitude de témoignages émanant de personnes saines d’esprit ne permet plus de nier l’existence de ces phénomènes, aujourd’hui largement étudiés. Les scientifiques les plus prudents parlent de VSCD, vécu subjectif de contact avec un défunt, mais d’autres n’hésitent plus à parler de CAD, communication avec les défunts.
La communication induite après la mort est une technique qui permet à l’endeuillé d’entrer en contact avec son défunt. Grâce à l’hypnose, le thérapeute va créer un contexte pour que ce contact puisse se produire. Je pratique cette thérapie depuis une vingtaine d’années et je peux vous assurer de son efficacité. Les professionnels que j’ai formés ne démentiront pas, je crois.
Que constatez-vous suite à une séance hypnose et deuil ?
Evelyne Josse : Les effets de cette séance sont souvent étonnants. Certains patients témoignent de l’apaisement qu’ils éprouvent par rapport au défunt. Un papa dont les deux enfants ont été assassinés était soulagé de les voir heureux, comme ils l’étaient de leur vivant. Les endeuillés se disent également souvent rassurés par rapport au fait que le défunt reste présent. Une maman dont la fille s’est suicidée me disait : « Je ne m’occupe plus de moi mais maintenant je sais qu’elle est là et elle, elle s’occupe de moi, elle veille sur moi ».
D’autres voient leur chagrin, leur culpabilité ou leur colère atténuée, voire souvent complètement disparaître. Une dame dont la fille était décédée de maladie 32 ans auparavant disait : « Pendant 32 ans, j’ai vécu une descente aux enfers. Ma fille était perdue, elle n’était nulle part. Et pendant cette séance, je l’ai retrouvée, elle était là, et maintenant elle est là, je sais qu’elle est là. Quand je pense à elle maintenant, c’est une joie en moi ». Une jeune femme a pu s’autoriser à lâcher le ressentiment qu’elle éprouvait contre son père, et par un phénomène de généralisation, contre tous les hommes, après que son défunt père lui a demandé pardon pour les abus sexuels dont il s’était rendu coupable de son vivant.
Lorsque le décès intervient dans des conditions dramatiques, la séance a pour effet de faire disparaître les souvenirs traumatiques du défunt. Par exemple, un père dont le fils s’était suicidé par balle a cessé d’être perturbé par la vision horrifiante de la tête explosée de son enfant pour ne garder de lui que l’image souriante qui lui était apparue en séance. Pour d’autres, la rencontre permet une réorientation vers le présent et le futur. Une mère s’est sentie plus forte lorsque son fils décédé à la naissance lui a dit de garder espoir et l’a exhortée à avoir d’autres enfants. Une autre a renoncé à mettre fin à ses jours lorsque sa fille lui a dit qu’elle ne la rejoindrait pas si elle se suicidait.
Comme vous pouvez vous en rendre compte, les défunts sont de véritables alliés thérapeutiques ! On les re-suciter pour ressusciter les endeuillés! Ces communications avec les défunts sont vécues par les patients comme intenses et positives. A contrario, le même type de représentation du défunt suscité par les souvenirs ou l’imagination peut provoquer de la détresse.
En résumé, ces séances débloquent les processus de deuils bloqués. Elles permettent fréquemment de clore le processus et de parvenir, parfois en quelques minutes, à la guérison émotionnelle totale. Dans le cas de deuils récents, elles n’effacent généralement pas complètement le chagrin. La douleur la plus aiguë s’estompe mais le chagrin et le manque peuvent persister.
Est-ce qu’il s’agit d’une réelle communication avec l’esprit du mort ou est-ce une simple représentation interne du défunt activée par une pensée créatrice? Je ne sais pas et finalement, peu importe. Chacun a ses convictions. Bien entendu, de nombreuses personnes ne croient pas à la survivance après la mort de quelque chose qu’on pourrait nommer l’esprit ou l’âme. Le scepticisme est sain mais ne doit pas entraver la découverte d’une thérapie efficace. Les spéculations métaphysiques ne doivent pas créer de préjugés pour ou contre ce phénomène et son utilisation en thérapie ne doit pas être écartée ou redoutée. L’aspirine est connue depuis l’époque de la Rome antique. Les explications sur son efficacité ont varié au gré des connaissances scientifiques, chaque nouvelle explication démentant la précédente. Toutes ces explications, vraies ou fausses, n’ont jamais altéré l’efficacité de l’aspirine !
Vous êtes formatrice en hypnose et deuil (par décès), parlez nous de la méthode que vous avez créée ?
Evelyne Josse : Après une induction hypnotique, j’aide la personne à créer un espace de rencontre avec son défunt. Je l’aide ensuite à travailler sur les liens qui la rattache à lui afin que ceux-ci soient confortables.
A qui s’adressent vos formations en hypnose et deuil ?
Evelyne Josse : Les formations ne sont ouvertes qu’aux professionnels déjà formés en hypnose.
Quels sont les grands axes de la formation hypnose et deuil ?
Evelyne Josse : Je fais un petit topo théorique sur le deuil après quoi j’aborde les différents outils thérapeutiques dont j’ai parlé plus haut : les métaphores, les rituels thérapeutiques et d’autres techniques encore, et, bien entendu, j’explique comment induire la communication avec les défunts. Je montre des vidéos de mon travail avec les patients et je fais aussi des séances d’hypnose collectives.
Sur combien de temps se déroule votre formation hypnose et deuil ?
Evelyne Josse : La formation hypnose et deuil se déroulle sur deux jours complets, en week-end. C’est une formation de groupe, avec 30 personnes maximum.
Date, lieux, tarifs de vos prochaines formations ?
Evelyne Josse : La formation a lieu annuellement en Belgique, au sein de notre école, l’Ecole Belge d’hypnose. Je la donne également tous les ans à l’AFHN, l’Association Française de Nouvelle Hypnose, à Paris et à Toulouse. Dans les années à venir, je devrais aussi la donner à Rennes et à Marseille. Le tarif est de 300 euros par week-end. De nouvelles dates sont programmées régulièrement. La prochaine formation aura lieu en octobre de cette année à Bruxelles mais elle est déjà complète. Je la donne aussi parfois dans d’autres villes pour d’autres organismes. Le tarif est alors fixé par l’organisme. Pour connaître les dates, il faut consulter la page Activités de mon site www.resilience-psy.com. Des dates supplémentaires peuvent être fixées en fonction des demandes. Il suffit de me contacter à evelynejosse[arobase]gmail.com.
J’ai constitué un annuaire de praticiens formés à mes techniques exerçant en France et en Belgique. Il est disponible sur mon site Resilience Psy.
Contact Evelyne Josse, Ecole belge d’hypnose et de thérapies brèves
Evelyne Josse – Ecole belge d’hypnose et de thérapies brèves
14 avenue Fond du Diable
1310 La hulpe
Belgique
Tél : + 32 (0)2/633.56.70
Email : evelynejosse[arobase]gmail.com
Site internet d’Evelyne Josse : Résilience Psy
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Propos recueillis par Prisca Sêssi, coach hypnose, PNL à Marseille