Maître de conférences en psychologie à l’université de Lorraine, Evelyne Josse est aussi hypnothérapeute et cofondatrice de L’Ecole belge d’hypnose et de thérapies brèves, où elle enseigne. Spécialiste des traumatismes sévères, elle est l’auteure de plusieurs ouvrages consacrés à l’accompagnement des personnes victimes, notamment avec l’hypnose et l’EMDR. Evelyne Josse est également formatrice en hypnose à Paris, Toulouse et Marseille, avec Olivier Perrot pour l’Association Française de Nouvelle Hypnose. Dans cette interview, Evelyne Josse nous éclaire les outils qu’elles mobilisent pour accompagner les personnes qui souffrent de traumatismes.
Vous êtes Maître de conférences associé à l’université de Lorraine, qu’enseignez-vous ?
Evelyne Josse : J’enseigne la psychologie, en faculté de psychologie, en master 2, c’est-à-dire la cinquième et dernière année d’études. Je donne cours principalement sur tout ce qui tourne autour de la violence : violence sexuelle, violence et viols de guerre, torture, violence vécue par les migrants pendant le parcours migratoire, etc. Je donne également une initiation à la thérapie brève et à l’hypnose.
Psychologue et hypnothérapeute, vous associez les deux disciplines dans votre pratique : quel est l’intérêt pour le patient ?
Evelyne Josse : Plus on a d’outils dans sa boîte à outils, mieux on est outillé pour aider les patients. Un jardinier qui n’aurait qu’un sécateur ne serait pas très efficace. Et ne sommes-nous pas en quelque sorte des jardiniers, nous qui aidons nos patients à mettre de l’ordre dans leur jardin intérieur ? Outre l’hypnose, j’utilise également l’EMDR et des techniques de thérapie brève.
Quel « type » d’hypnose pratiquez-vous ?
Evelyne Josse : Je pratique ce qu’on appelle couramment l’hypnose éricksonnienne. En réalité, cette appellation n’est pas tout à fait correcte. Nous devons beaucoup à Erickson mais nous ne sommes pas Erickson. A l’heure d’aujourd’hui, l’hypnose qu’utilise une majorité de praticiens s’inspire certes fortement des travaux de Milton Erickson mais elle mêle également des techniques innovées par d’autres thérapeutes. Depuis les années 1980, on nomme Nouvelle Hypnose cette forme actuelle d’hypnose.
Vous pratiquez aussi l’EMDR : dans quelles situations ? Pour répondre à quelles problématiques ?
Evelyne Josse : Il est important que vous sachez que je ne travaille qu’avec des personnes ayant subi des traumatismes, des malades de cancers, des femmes rencontrant des problèmes de fertilité et, bien entendu, avec des endeuillés en souffrance. En simplifiant, je dirais que j’utilise davantage l’hypnose pour les problématiques somatiques comme l’infertilité et les cancers. Je trouve également cette technique plus efficace pour traiter les traumatismes complexes, c’est-à-dire les traumatismes qui se sont répétés sur une longue période comme les abus sexuels, les violences conjugales ou la torture. Par contre, je recours plus souvent à l’EMDR pour les traumatismes simples. Mais en fait, je combine souvent les deux techniques. Avec un même patient, je peux faire tantôt des séances d’hypnose et tantôt des séances d’EMDR. Et je vais même plus loin car mes séances d’EMDR sont fortement imprégnées de techniques hypnotique de sorte qu’il est parfois difficile de dire si c’est de l’EMDR ou de l’hypnose. Je crois qu’on peut parler de thérapie intégrative !
En simplifiant (et vous pouvez me contredire), la psychologie s’intéresse au pourquoi vous allez mal, l’hypnose à comment faire pour aller mieux, qu’en pensez-vous ?
Evelyne Josse : Oui, c’est exact. Rechercher à expliquer le problème mène de toute façon généralement à une impasse. Même dans les cas où il est possible de découvrir l’origine et les causes de celui-ci, il est rarement possible d’y remédier. Le décès d’un être cher en est un bel exemple. Les difficultés que nous rencontrons sont souvent expliquées par des antécédents familiaux, des événements traumatiques ou par notre personnalité. Ces explications sont du domaine des hypothèses car, en général, ni les adultes ni les enfants n’ont la moindre idée de la raison pour laquelle ils agissent comme ils le font. En tant que thérapeutes, nous sommes le plus souvent impuissants à modifier les antécédents familiaux ou traumatiques d’une personne ainsi que sa personnalité. Il est bien plus utile pour nous de centrer notre attention sur la manière dont le patient imagine sa vie débarrassée du problème et sur les ressources qu’il possède pour y parvenir plutôt que de nous perdre dans les méandres des origines de son problème.
Une exception toutefois. En effet, il m’arrive parfois de chercher pourquoi le patient va mal. J’utilise une technique appelée l’affect bridge, pont d’affect en français, mise au point en 1971 par un hypnothérapeute américain, John Watkins.
Qu’est-ce que l’ « affect bridge » ou « pont d’affect » ?
Evelyne Josse : Cette technique est indiquée si le patient éprouve une émotion dont la nature est inconnue, par exemple, une angoisse le matin au réveil, une tristesse le soir, une colère dans un type de circonstance précis, etc. et qu’il est conscient que sa réaction ou ses émotions sont excessives par rapport à la situation actuelle. Le pont d’affect est une technique de régression en âge qui consiste à demander à l’inconscient d’où vient le problème. Le but est donc bien de remonter jusqu’à l’événement-source supposé du problème. Evidemment, en hypnose, l’idée n’est pas de retrouver l’origine d’une difficulté actuelle pour le plaisir de savoir d’où elle vient mais pour traiter les émotions qui y sont liées.
Comment utilisez-vous le « pont d’affect » en hypnose ?
Evelyne Josse : Lorsqu’une personne souffre d’un événement ancien, c’est parce que les émotions qu’il a suscitées n’ont pas été résorbées et ont formé, si je peux me permettre une métaphore, une sorte d’abcès émotionnel. En hypnose, on peut nettoyer ce pus émotionnel pour que redémarre le traitement neurophysiologique adaptatif du souvenir de l’événement douloureux. On peut faire un parallèle avec ce qui se passe quand on se blesse. Le corps soigne la plaie naturellement sauf si quelque chose empêche la guérison, comme un corps étranger par exemple. Si l’abcès est vidé et la plaie nettoyée, la guérison reprend spontanément. Quelque chose de similaire se produit au niveau des processus mentaux lorsqu’on aide le patient à nettoyer les émotions liées aux souvenirs ; il va naturellement vers un meilleur état de santé mentale. Petite précision, dans cette technique, le patient ne réfléchit pas à la cause de son problème. La question est posée à un niveau inconscient et on ne se perd pas en conjectures pour savoir si ce qui est revenu est vrai ou pas.
Vous inscrivez-vous dans une démarche de thérapie brève ?
Evelyne Josse : Oui, tout à fait, je suis effectivement dans une démarche de thérapie brève. Une thérapie brève, c’est une thérapie la plus courte possible ! … Mais qui parfois prend plusieurs années. Avec une personne qui a vécu dans un réseau pédophile pendant toute son enfance et son adolescence, réseau dans lequel des enfants ont été torturés et dont certains ont succombé à leurs blessures, vous ne pouvez pas espérer régler le problème en deux coups de cuillère à pot. La brièveté n’est pas une fin en soi mais le résultat des stratégies employées.
Qu’est-ce qu’une thérapie brève selon vous ?
Evelyne Josse : La thérapie brève, c’est avant tout une question de conception de la thérapie. Comme vous l’avez souligné, on s’interroge sur « comment le problème subsiste » et « comment faire autrement » au lieu de s’interroger sur « pourquoi ce problème existe ». La thérapie brève, c’est une thérapie orientée résultat, on se centre sur les solutions et non sur le problème. Le thérapeute aide le patient à déterminer ses objectifs, il l’aide à se forger une image de sa vie débarrassée du problème qui l’a amené à consulter et il met en place des stratégies pour y arriver.
Vous êtes co-fondatrice de L’école belge d’hypnose et de thérapies brèves. A qui s’adressent vos formations ?
Evelyne Josse : Depuis la création en 2014, nos formations sont ouvertes aux psychologues et aux professionnels de la santé, à savoir les médecins, dentistes, psychiatres, kinésithérapeutes, infirmiers et sages-femmes. Elles sont aussi accessibles aux psychothérapeutes pouvant justifier d’une pratique.
Combien de temps dure la formation à l’Ecole belge d’hypnose et de thérapies brèves ?
Evelyne Josse : La formation s’étale sur deux ans. La première année comprend 12 jours répartis en 3 stages de 4 jours, du jeudi au dimanche. La deuxième année est également de 12 jours répartis cette fois en 6 week-ends à thème. Ces modules peuvent être choisis à la carte, en fonction des intérêts des stagiaires et à leur rythme. Cette deuxième année peut donc être bouclée en six mois ou s’étaler sur plusieurs années en fonction des choix de chacun.
Qu’apprend-on à l’Ecole belge d’hypnose et de thérapies brèves?
Evelyne Josse : En première année, les stagiaires apprennent les bases de l’hypnose. Au terme de cette première année, ils sont aptes à travailler en hypnose avec leurs patients. En deuxième année, ils se spécialisent dans le traitement de problématiques spécifiques qui les intéressent comme le traumatisme, les troubles du comportement alimentaires, les douleurs, le cancer, les troubles psychosomatiques, les troubles anxieux, etc.
Une rubrique est consacrée à l’Ecole belge d’hypnose et thérapies brèves sur mon site Résilience Psy.
Publications d’Evelyne Josse
- « Le pouvoir des histoires thérapeutiques. L’hypnose éricksonienne dans la guérison des traumatismes psychiques » paru en 2007 aux éditions Desclée De Brouwer, le
- « Le traumatisme psychique chez le nourrisson, l’enfant et l’adolescent », édité chez De Boeck Université en 2011, « Le traumatisme chez l’adulte », paru en 2014, lui aussi chez De Boek et « Interventions en santé mentale dans les violences de masse », écrit en collaboration avec Vincent Dubois, paru en 2009, également aux éditions De boeck.
- Ouvrages collectifs publiés chez Dunod : « Psychothérapies de la dissociation », sous la direction de Joanna Smith, sorti en 2016, « Pratique de la psychothérapie EMDR », sous la direction de Cyril Tarquinio, publié en 2017 et toujours en 2017 « Aide-mémoire – Psychiatrie et psychopathologie périnatales en 51 notions », sous la direction de Benoît Bayle
- Un prochain ouvrage, écrit avec un de ses collègue, devrait sortir fin de l’année et porte sur un sujet d’actualité : la radicalisation.
Contact Evelyne Josse, Ecole belge d’hypnose et de thérapies brèves
Evelyne Josse – Ecole belge d’hypnose et de thérapies brèves
14 avenue Fond du Diable
1310 La hulpe
Belgique
Tél : + 32 (0)2/633.56.70
Email : evelynejosse[arobase]gmail.com
Site internet d’Evelyne Josse : Résilience Psy
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- Sur la psychologie : Resilience-psy
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Propos recueillis par Prisca Sêssi, coach hypnose, PNL à Marseille